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Être parents face à la médicalisation rapide des jeunes trans
En Suisse comme ailleurs, la question de l’accompagnement des jeunes en questionnement de genre est devenue un véritable enjeu médical, éthique et sociétal. Une inquiétude croissante émerge autour de la précocité des interventions proposées aux mineurs — souvent sans exploration approfondie des causes sous-jacentes de la dysphorie de genre.
Alors que les parents cherchent à bien faire — être « trans-parents » au sens de soutenants et ouverts — le risque est parfois d’être rendus « transparents » dans les décisions médicales, voire d’assister impuissants à une médicalisation rapide d’une souffrance complexe.
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Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d’après des données de l’assurance maladie dans le cadre de la Proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre
Une augmentation fulgurante des demandes de transition chez les jeunes
Ces dernières années, la Suisse a vu une explosion des demandes de transition chez les adolescents, en particulier chez les filles biologiques. Selon les chiffres du CHUV (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), le nombre de jeunes consultant pour une dysphorie de genre a été multiplié par plus de 20 entre 2010 et 2022. Une tendance similaire est observée à Zurich et Genève.
Ce phénomène n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une dynamique mondiale où les cliniques spécialisées sont débordées par les demandes d’adolescents en quête d’un changement de genre.
Or, cette hausse soulève des questions : pourquoi un tel pic soudain, notamment chez les adolescentes pré et post-pubères ? Est-ce l’effet d’un meilleur accueil de la diversité ? Ou y a-t-il d’autres facteurs en jeu, notamment sociaux, psychologiques, voire traumatiques ?
*InVivo magazine rapporte que le nombre de demandes de changement de genre au CHUV est passé de 18 en 2017 à 155 en 2021, soit une augmentation de plus de 700 %
Une médecine de plus en plus interventionniste et précoce
En Suisse, plusieurs centres hospitaliers proposent aujourd’hui un parcours de transition dès 11 ou 12 ans, avec l’introduction de bloqueurs de puberté (inhibiteurs de la GnRH). Dès 14 à 16 ans, des traitements hormonaux croisés peuvent être administrés, suivis, à partir de 18 ans, par des chirurgies dites de réassignation.
Certaines équipes médicales adoptent une approche dite affirmative, qui consiste à valider immédiatement « l’identité de genre » ressentie sans investiguer plus en profondeur les causes potentielles du mal-être. Ce protocole, souvent justifié par la volonté de « réduire le risque de suicide »*, est aujourd’hui remis en question dans plusieurs pays.
*il n’y a aucune base de données crédible démontrant qu’il y a un risque de suicide plus élevé. De plus, il est dangereux de parler de suicide à des jeunes vulnérables.
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Un débat éthique et scientifique en pleine mutation
Des pays comme la Suède, la Finlande ou le Royaume-Uni ont fait machine arrière sur les traitements précoces. Le rapport Cass Review (2024), commandité par le NHS britannique, a révélé un manque criant de preuves scientifiques quant à l’efficacité à long terme des traitements hormonaux précoces. Le rapport recommande désormais de sortir du modèle affirmatif exclusif pour retourner vers une évaluation psychologique globale des jeunes patients.
En Suisse, le débat demeure encore discret. Cependant, les premiers témoignages de jeunes ayant interrompu leur transition — ainsi que les prises de position de certains professionnels de santé en faveur de la prudence — commencent à trouver un écho dans l’espace public.
La Société Suisse de Pédiatrie, bien que favorable au respect des identités de genre, reconnaît le besoin d’études longitudinales et de vigilance dans les protocoles.
Des parents souvent mis à l’écart, parfois culpabilisés
Dans ce contexte, de nombreux parents expriment leur malaise. Lorsqu’un adolescent ou une adolescente exprime une dysphorie, la pression sociale et médicale à « suivre le mouvement » peut être intense. Refuser un traitement hormonal n’est plus toujours perçu comme une prudence mais parfois comme une transphobie.
Certains parents décrivent un sentiment d’effacement : leurs doutes, leur connaissance de l’histoire émotionnelle ou familiale de leur enfant sont peu pris en compte. En particulier, les facteurs de vulnérabilité psychique — troubles anxieux, TDAH, autisme, trauma (ex. violences psychologiques et/ou physiques et/ou sexuelles), homophobie intériorisée — sont parfois ignorés dans la précipitation vers une solution médicale.
De la transparence à la lucidité
Parents d’enfants trans, transparents ? Oui, mais lucides! Lucides face aux enjeux politiques, médicaux et économiques de cette médicalisation précoce. Lucides face au besoin impérieux de ralentir, d’écouter, d’accompagner. Et surtout, de remettre la question du sens — et pas uniquement du genre— au cœur de notre réflexion.
Penser la souffrance plutôt que médicaliser l’identité
Face à cette réalité, une question s’impose : pourquoi la médecine suisse, réputée pour sa prudence, semble-t-elle prendre un virage aussi affirmatif sans un débat public large ?
Comprendre la dysphorie de genre, surtout chez les jeunes, demande une approche globale, qui inclut :
- Une anamnèse psychologique approfondie,
- Une écoute des enjeux familiaux, sociaux, scolaires,
- Une analyse des antécédents psychiatriques,
- Et un espace thérapeutique non orienté, sans pressions.
Il ne s’agit pas de nier l’existence d’identités transgenres légitimes ni de refuser la transition comme solution possible. Mais d’éviter les réponses rapides à une souffrance parfois diffuse, changeante, et enracinée dans d’autres causes.
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Parents concernés?
Les parents confrontés aux questionnements de genre de leur enfant peuvent contacter l’AMQG pour bénéficier d’un accompagnement concret et bienveillant.
L’association met à disposition des informations fiables et actualisées sur la dysphorie de genre, les parcours possibles, et les enjeux médicaux, psychologiques et sociaux.
Elle organise également des groupes de parole réservés aux parents, offrant un espace sécurisé pour exprimer leurs préoccupations, partager leurs expériences et poser des questions à des professionnels ou à des parents expérimentés.
Ces rencontres favorisent le soutien mutuel, permettent de mieux comprendre les besoins de leur enfant et d’aborder les décisions médicales et éducatives en toute connaissance de cause, tout en préservant le lien familial et en évitant l’isolement.